Minuscules

-édito- Ni trop grande, ni trop petite : l’architecture semble être promise à l’échelle humaine, un monde moyen. Aux confins d’une même discipline, les tailles de l’objet et du territoire semblent borner les choses dont l’architecte semble se préoccuper : from spoon to town (Ernesto Nathan Roger). Pourtant, le projet associe de façon explicite ou implicite des phénomènes interscalaires, tant dans sa modélisation par maquettes et dessins successifs que dans sa réalisation. Un simple abri rudimentaire convoque dans son allure et son orientation le Soleil à 149,6 millions de kilomètres de la Terre, tandis que sa couverture s’inquiète de conduire un nombre incalculable de molécules d’eau d’un nanomètre chacune. Si depuis l’Antiquité l’architecture s’est appuyée sur l’astronomie et le climat, ce n’est qu’à partir du 19e siècle que ce qui est petit transforme l’architecture. Les travaux sur les molécules, l’observation des bactéries et des virus ouvrent de nouvelles échelles : le micromètre, le nanomètre. Au-delà de la taille, c’est la déclaration d’un monde à portée de main, mais indivisible, qui fonde en architecture une rupture épistémologique majeure. Depuis la révolution industrielle jusqu’à nos jours, le « vide » impensé ne cesse de se remplir de matières invisibles au gré des travaux des biologistes, médecins, physicien.nes. Depuis les prescriptions hygiénistes qui ont réformé la domesticité jusqu’à la décarbonation du bâti, l’architecture s’élabore en complicité avec une réalité minuscule et invisible ★

Sébastien Martinez-Barat

 

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