(FIG.0) Photographie sur le tracé de l’A69 © Antoine Séguin
(FIG.1) Carte des luttes locales en France métropolitaine, contre les grand projets inutiles. Capture du site https://lutteslocales.gogocarto.fr/map#/carte/@46.94,3.89,6z?cat=all, mise en place et documenté par Reporterre, prise le 10 octobre 2024. GoGoCarto, Leaflet, © OpenStreetMap, © CartoDB
(FIG.2) Atlas des injustices environnementales dans le monde. Capture du site ejatlas.org, publié et documenté par Environmental Justice Organisations, Liability and Trade (Ejolt) et modéré par l’Université autonome de Barcelone. La gestion du site est assurée par le personnel universitaire Leah Temper, Daniela Del Bene et Joan Martínez-Alier. Créé sous la licence Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 3.0 Unported.
(FIG.3) Carte des conflits d’aménagements en Midi-Pyrénées sur la période 2000-2020. Carte réalisée par Manar Houssine en juin 2021, avec les données de l’IGN (ADMIN EXPRESS), La Dépêche du Midi, et le logiciel QGis 3.10.
(FIG.4) Photographie sur le tracé de l’A69 © Antoine Séguin
(FIG.5) Photographie sur le tracé de l’A69 © Antoine Séguin

L’A69. Une résistance éclairée.

Léa Sébastien est géographe, maîtresse de conférences à l’université Toulouse 2 — Jean Jaurès et chercheuse au laboratoire GEODE. Elle étudie les mouvements de résistance face aux grands projets d’aménagement, concentre ses recherches sur les revendications militantes et écologiques qui en émergent ainsi que sur les outils de démocratie locale (★★★)

(FIG.0) Photographie sur le tracé de l’A69 © Antoine Séguin

Un bien commun, comme une rivière, l’air, une pâture d’altitude, représente un bien non appropriable, ni par un individu (bien privé) ni par un État (bien public), mais devant être géré par un ensemble d’individu·es engagé·es contractuellement. En 1968, l’écologue américain Garrett Hardin écrit un article intitulé « The Tragedy of the Commons »1 (la tragédie des biens communs), soulignant la difficulté à gérer les biens communs et incitant à aller vers la privatisation des communaux pour leur pérennité. Cet article a été abondamment cité pour renforcer la propriété privée, puis critiqué, notamment par Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie, rappelant l’importance des biens communs et la nécessaire diversité des systèmes de gouvernance pouvant les appréhender à différentes échelles2. Aujourd’hui, nous avons suffisamment de recul sur l’impact de la privatisation des espaces pour comprendre qu’elle ne permet pas de protéger les biens communs. Alors que ces derniers sont de plus en plus au cœur des revendications et des questions soulevées par les mobilisations environnementales, les outils de gouvernance actuels demeurent inadaptés. Le conflit concernant l’autoroute A69 cristallise ces tensions. Il illustre des oppositions de visions du monde et du territoire autour de la question des biens communs, que les politiques d’aménagement du territoire ne sont pas en mesure d’intégrer.

L’AMPLIFICATION DES CONFLITS TERRITORIAUX

Depuis les années 1980, on assiste à une augmentation des conflits environnementaux à l’échelle mondiale3. Dans les années 2000, la crise financière de 2008, ainsi que le mouvement d’opposition à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, constituent un tournant dans les conflits territoriaux en Europe. Il y a d’abord une multiplication et une intensification des conflits d’aménagement sur tous les territoires et à toutes les échelles, avec des citoyen·nes se réintéressant à leur lieu de vie, leur territoire. On constate ensuite que les mouvements luttant contre des projets d’aménagement de différentes natures (ligne à grande vitesse, aéroport, autoroute, barrage, gare, mine, etc.) se regroupent autour d’une analyse, de propositions et d’un acronyme commun : les « grands projets inutiles et imposés ». « Grands » : c’est ici le gigantisme qui est dénoncé, que ce soit en termes de coûts, d’impacts ou de l’imaginaire qui les sous-tend ; « inutile » pose la question des besoins des populations et de la définition de l’intérêt général ; « imposé » questionne les processus de concertation locale. Avec cette volonté de rassembler différents mouvements et de relier enjeux locaux et globaux, les Soulèvements de la Terre, fondés en 2021, regroupent collectifs locaux et associations écologistes (comme Youth for Climate, Extinction Rebellion) pour questionner l’installation d’infrastructures et l’artificialisation des terres.

GÉOGRAPHIE DE LA CONTESTATION

Il existe à ce jour peu de cartes scientifiques documentant ces conflits territoriaux. À l’échelle internationale, le projet européen EJOLT4 vise à cartographier et analyser une multitude de conflits environnementaux (environ 4000) ; à l’échelle nationale, c’est la carte issue du média Reporterre (FIG.1) qui recense les grands conflits d’aménagement en France (environ 600).

(FIG.1) Carte des luttes locales en France métropolitaine, contre les grand projets inutiles. Capture du site https://lutteslocales.gogocarto.fr/map#/carte/@46.94,3.89,6z?cat=all, mise en place et documenté par Reporterre, prise le 10 octobre 2024. GoGoCarto, Leaflet, © OpenStreetMap, © CartoDB

Afin de saisir les dynamiques territoriales à une échelle plus fine, de manière exhaustive, et sur un cadre temporel précis, j’ai recherché l’en- semble des conflits territoriaux à partir de la presse quotidienne régionale (ici la Dépêche du Midi) dans l’ex-région Midi-Pyrénées sur la période 2000-20205.

(FIG.2) Atlas des injustices environnementales dans le monde. Capture du site ejatlas.org, publié et documenté par Environmental Justice Organisations, Liability and Trade (Ejolt) et modéré par l’Université autonome de Barcelone. La gestion du site est assurée par le personnel universitaire Leah Temper, Daniela Del Bene et Joan Martínez-Alier. Créé sous la licence Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 3.0 Unported.
(FIG.3) Carte des conflits d’aménagements en Midi-Pyrénées sur la période 2000-2020. Carte réalisée par Manar Houssine en juin 2021, avec les données de l’IGN (ADMIN EXPRESS), La Dépêche du Midi, et le logiciel QGis 3.10.

Au total, 371 conflits d’aménagement ont été recensés, répartis équitablement sur les huit départements, avec la Haute-Garonne qui totalise 25% des conflits (FIG.3). Alors que les médias nationaux couvrent les grands conflits territoriaux, 75% des conflits ne concernent qu’une commune.

Il existe donc une multiplicité de petits conflits d’aménagement et environnementaux touchant tous les types de territoires (rural, urbain, périurbain). Sur notre échantillon, le nombre de conflits territoriaux a doublé en 20 ans, passant de 10 conflits par an en 2000 à plus de 20 par an en 2020. Les activités contestées sont représentées sur le territoire de manière globalement uniforme, avec en tête de liste : l’énergie (13,7%)6, la télécommunication (12,4%)7, les déchets (12,1%)8, et les transports (11,9%)9.

L’autoroute A69 fait partie du projet plus large de liaison autoroutière Castres-Toulouse, qui consiste à relier la ville de Toulouse à celle de Castres, et plus précisément l’A68 (Toulouse- Albi) à la rocade de Castres. En favorisant sa connexion avec la métropole toulousaine, ce projet entend désenclaver le bassin Castres- Mazamet (environ 80 000 habitant·es) afin de relancer son développement économique. Cette liaison autoroutière traverse 24 communes (17 dans le Tarn et 7 en Haute-Garonne) et concerne une superficie de 453 hectares, dont 366 ha d’emprises définitives et 87 ha d’emprises temporaires (hectares utilisés dans le cadre des travaux) répartis comme suit : 233 ha de milieux agricoles ; 13 ha de milieux boisés – ; 26 ha de friches ; 33 ha de prairies, pâtures sèches, mésophiles et zones humides et 41,5 ha de milieux anthropiques. Les oppositions au projet démarrent dès 2007, notamment avec le collectif Stop Carrières. La mobilisation prend de l’ampleur en 2021 lors de la création du collectif LVEL (La Voie est Libre).

LA « RÉSISTANCE ÉCLAIRÉE » DU MOUVEMENT

Le collectif LVEL représente un mouvement de 200 membres issu·es de toutes catégories socioprofessionnelles, de 25 à 80 ans, avec des solidarités intergénérationnelles fortes. Il s’agit à l’origine d’un mouvement local avec des membres avant tout internes au territoire, lesquel·les ont été rejoint·es par des acteur·ices externes. Cette hétérogénéité sociale forte engendre des reconfigurations sociales, avec la création de réseaux sociaux, techniques, associatifs ainsi qu’une diversité de soutiens, dont la présence de scientifiques, de personnalités publiques et médiatiques. En somme, le mouvement a permis de construire un fort capital social.

La pluralité des profils a également permis au collectif de développer de nombreuses compétences dans des domaines tels que l’éducation, la communication, le génie civil, l’agriculture, le droit, etc., et leur mise en commun a permis à chaque membre d’acquérir du savoir. Cette montée en compétences permet aux habitant·es d’analyser les documents scientifiques et institutionnels (ex : enquête publique, étude d’impact), de contester certaines données mises en avant (ex : gain de temps ou création d’emplois) et de produire de la donnée (ex : cartographies, calculs de trafic). Les mouvements d’oppositions témoignent d’un ensemble de savoirs (scientifiques, techniques, juridiques, procéduraux, vernaculaires ou institutionnels) acquis et échangés pendant le processus de résistance, ce qu’on peut appeler capital savant.

Concernant la dimension affective de la mobilisation, les attachements aux lieux menacés se renforcent au fur et à mesure que la résistance avance10 ; soulignant alors la dimension politique des affects11, autrement dit un capital affectif. Les conflits territoriaux concernent généralement la « nature ordinaire », sans patrimoine naturel ni culturel marqué. Aussi l’attachement au lieu représente-t-il le seul élément pouvant participer à la protection de ces territoires, car ces derniers représentent l’espace vécu quotidien de citoyen·nes. Sur l’A69, un emblème se dégage, celui de l’arbre. Plusieurs opérations s’organisent pour rendre hommage aux arbres menacés, notamment les platanes centenaires (« les arbres tombent, levons-nous »), avec des militant·es appelé·es , qui s’y installent pour défendre les arbres ainsi que les espèces y vivant (mésanges, etc.). L’extrait d’un post du collectif illustre le lien affectif aux lieux et aux espèces menacées :
« Un matin, nous prenions possession d’un bout de champ sous des arbres centenaires dont les branches s’étirent jusqu’aux nuages, jusqu’à les percer dirait-on, car depuis une semaine ils sont dans la lumière. Des yeux se lèvent vers eux, des écureuils s’élèvent vers eux. Le vent balaie la vallée du Girou depuis des siècles, elle en a connu des tempêtes, le vent d’autan est capricieux, colérique, mais les platanes tiennent à leur parfait alignement, sages et forts à la fois. Jusqu’à ce qu’une machine, dans un bruit métallique et glaçant, en prenne cinq d’entre eux. Silence et larmes. Mais la machine s’arrête, elle part, et l’espoir renaît soudain, comme un bain glacé qui nous sort de la tétanie, de la torpeur. Nous respirons à nouveau. Notre bout de champ a fait depuis un bout de chemin. Il est un lieu de vie et de solidarité, un lieu de musique et de joie. Un endroit dans lequel la nourriture ne manque jamais, cuisinée et déposée par les gens d’ici et d’ailleurs. Un territoire investi par les enfants qui y bâtissent des cabanes et des passerelles. Des personnes dorment chaque soir sous les platanes, la veille des arbres et des écureuils s’organise, chacun fait sa part et plus encore. Ce ne sont pas que les arbres que nous défendons à Vendine. C’est cette vie entière et pleine, ce souffle collectif, cette lueur que nous portons dans le cœur comme dans un écrin. La voie est libre, la vie est belle.12 »

C’est alors qu’un positionnement politique émerge : « le politique représente l’espace public dans lequel s’affrontent différents imaginaires socio-écologiques et leur institutionnalisation, et rend visible cette diversité de points de vue »13. Les citoyen·nes prennent alors en charge des problèmes publics, des communs, des espaces et des ressources au travers d’expérimentations démocratiques alternatives.

(FIG.4) Photographie sur le tracé de l’A69 © Antoine Séguin

Sur l’A69, deux contre-projets ont été proposés, lesquels ne sont pas seulement des projets de mobilité alternative, mais représentent des projets de territoire intégrant plusieurs pôles, comme
« un rééquilibrage territorial », « une mutation agricole », « une mise en valeur des paysages »14, etc. Le collectif présente une vision à long terme pour le territoire et relie enjeux locaux (artificialisation, pollution, etc) et enjeux globaux (CO2, biodiversité, etc). On assiste à l’ouverture scalaire du conflit qui dépasse le Tarn et interroge les visions des territoires à moyen et long terme. Le collectif LVEL interroge également les outils de démocratie locale et expérimente au sein du groupe une approche horizontale de penser les actions et les décisions, une démocratie participative basée sur la communication non violente. La mobilisation autour de l’A69 est un exemple de ce que j’appelle une Résistance éclairée15, qui témoigne des différentes transformations sociétales issues des conflits : développement de nouveaux liens sociaux, acquisition et transfert de connaissances, attachements au territoire renouvelés, propositions politiques autour d’enjeux globaux et de communs. Les confits
d’aménagement comme celui-ci sont alors l’expression d’un mouvement social enrichissant la démocratie et créant de nouvelles valeurs territoriales, sur lesquelles les dispositifs de démocratie environnementale doivent s’appuyer.

UNE DÉMOCRATIE ENVIRONNEMENTALE INOPÉRANTE

Depuis les années 1980, de nombreux textes ont été ratifiés autour de la notion de démo- cratie environnementale, comme la convention d’Aarhus en 1996, la loi de démocratie de proxi- mité en 2002, ou la charte de l’environnement en 2005, impulsant de nouvelles manières de décider des questions environnementales, basées sur la transparence, la participation, la justice. Néanmoins, il n’existe à ce jour aucun dispositif règlementaire permettant d’expérimenter cette démocratie environnementale. Sur l’A69, de nombreuses réunions publiques ont eu lieu dans le Tarn, ainsi qu’un débat public organisé par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), suivi de plusieurs enquêtes publiques avec des milliers de contributions. Sur ce cas, comme sur de nombreux conflits d’aménagements, les habitant·es utilisent les expressions de déni de démocratie, de passage en force, de simulacre de démocratie et présentent des ressentis associés au mépris, à la colère, à la tristesse, à la méfiance. Malgré un nombre important de dispositifs de concertation autour du projet d’autoroute, ces outils sont des outils de gouvernance et non de démocratie16, une « gouvernance par les nombres »17 ne permettant pas d’échanger sur les sujets de fond, de questionner les visions territoriales. Ainsi les outils participatifs d’aménagement du territoire non seulement ne limitent pas les conflits mais peuvent paradoxalement participer à les exacerber. Une proposition est la prise en compte de la notion de commun au-travers des acteur·ices faibles et absent·es.

ARGUMENTS POUR (8)

— Désenclavement
— Attractivité
— Activités économiques
— Emploi
— Vitesse/gain de temps
— Sécurité
— Mobilité
— Légitimité politique

ARGUMENTS CONTRE (16)

— Inutilité / Inadapté aux besoins
— locaux
— Émission de CO2
— Injustice / Prix élevé (carburant, péage)
— Consommation énergétique
— Artificialisation des sols
— Biodiversité /destruction d’espèces animales et végétales
— Privatisation de l’espace public
— Perte de temps pour usagers
— Non prise en compte des avis d’expert·es environnementaux
— Non adapté au climat tarnais
— Impact paysager
— Pas d’études d’alternatives
— Souveraineté alimentaire
— Risques sanitaires
— Pas de prise en compte des résultats des concertations
— Gestion de l’eau

Analyse des arguments des différent•es acteur•ices en faveur ou contre le projet de l’A69. Données récoltées par Léa Sébastien.

UNE DÉMOCRATIE ENVIRONNEMENTALE INOPÉRANTE

Depuis les années 1980, de nombreux textes ont été ratifiés autour de la notion de démocratie environnementale, comme la convention d’Aarhus en 1996, la loi de démocratie de proximité en 2002, ou la charte de l’environnement en 2005, impulsant de nouvelles manières de décider des questions environnementales, basées sur la transparence, la participation, la justice. Néanmoins, il n’existe à ce jour aucun dispositif règlementaire permettant d’expérimenter cette démocratie environnementale. Sur l’A69, de nombreuses réunions publiques ont eu lieu dans le Tarn, ainsi qu’un débat public organisé par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), suivi de plusieurs enquêtes publiques avec des milliers de contributions. Sur ce cas, comme sur de nombreux conflits d’aménagements, les habitant·es utilisent les expressions de déni de démocratie, de passage en force, de simulacre de démocratie et présentent des ressentis associés au mépris, à la colère, à la tristesse, à la méfiance. Malgré un nombre important de dispositifs de concertation autour du projet d’autoroute, ces outils sont des outils de gouvernance et non de démocratie, une « gouvernance par les nombres » ne permettant pas d’échanger sur les sujets de fond, de questionner les visions territoriales. Ainsi les outils participatifs d’aménagement du territoire non seulement ne limitent pas les conflits mais peuvent paradoxalement participer à les exacerber. Une proposition est la prise en compte de la notion de commun au- travers des acteur·ices faibles et absent·es.

Aujourd’hui, les décisions environnementales sont toujours prises par les acteur·ices fort·es, ce qui génère des consensus restreints car deux acteur·ices sont oublié·es par les systèmes de gouvernance classiques, que j’appelle les acteur·ices faibles et les acteur·ices absent·es18. Les acteur·ices faibles représentent des humain·es contemporain·es sous-représenté·es, ne disposant pas des meilleurs atouts dans la négociation (pouvoir, relations…) mais pouvant amener des valeurs territoriales, des savoirs situés, une mémoire du lieu, etc. Quant aux acteur·ices absent·es, iels représentent le vivant et les générations futures et/ou passées, qui ne peuvent être présent·es à la table des négociations. Sur l’A69, de nombreuses espèces non-humaines sont présentes dans les mobi- lisations, représentées par des opposant·es se grimant en animaux et végétaux, des attitudes qui témoignent d’envies de donner une place aux invisibles dans les décisions les concernant.
« Pipistrelles contre tractopelles » ; « la revanche des chauve-souris » ; ou « écureuils pas contents» évoquent une vision du territoire à la fois pour les humains mais aussi pour les non-humains. Il ne s’agit pas d’opposer droits humains et naturels, mais d’identifier des porte-paroles de ces acteur·ices faibles et absent·es, afin d’ouvrir le champ des décisions environnementales.

UNE REPOLITISATION TERRITORIALE

La mobilisation contre l’A69 est emblématique de l’échec des politiques d’aménagement des terri- toires et de l’ensemble des outils de gouvernance environnementale ; elle souligne le dysfonctionnement des institutions pour opérationnaliser la démocratie environnementale et oppose légitimité politique et légitimité scientifique. Sur l’A69 comme sur d’autres confits territoriaux, ce sont les différentes dimensions de la crise écologique et sociale que ressentent et comprennent les citoyen·nes engagé·es, en faisant le lien entre enjeux locaux et globaux. Le territoire, source d’affects, est alors un élément rassembleur constitutif du politique, et vecteur de repolitisation des enjeux socio-écologiques locaux.

(FIG.5) Photographie sur le tracé de l’A69 © Antoine Séguin
  1. Hardin, Garrett. 1968. « The Tragedy of the Commons ». Science, vol. 162. Pp. 1243-1248. ↩︎
  2. Ostrom, Elinor. 1990. Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action. Cambridge : Cambridge University Press. Pour la version française : Ostrom, Elinor et Laurent Baechler. 2010. Gouvernance des biens communs. Bruxelles : De Boeck. ↩︎
  3. Martinez Alier, Juan, Leah Temper, Daniela Del Bene et Arnim Scheidel. 2016. Is there a global environmental justice movement ?. The Journal of Peasant Studies, 43, 3. Pp. 731-755. ↩︎
  4. Voir le site http://www.ejolt.org/maps/. ↩︎
  5. Huit départements sont concernés : Aveyron, Lot, Tarn, Tarn-et-Garonne, Gers, Haute-Garonne, Ariège, Hautes-Pyrénées. ↩︎
  6. Par exemple, les méga-transformateurs, les parcs éoliens et photovoltaïques. ↩︎
  7. Par exemple, la 5G et les antennes relais. ↩︎
  8. Par exemple, les décharges et les incinérateurs. ↩︎
  9. Par exemple, les routes et les Lignes à Grand Vitesse (LGV). ↩︎
  10. Sébastien, Léa. 2022. « La force de l’attachement dans l’engagement : évolution et politisation des attachements aux lieux dans les conflits d’aménagement ». Géographie Économie Société. Vol. 24, no 1. Pp. 69-102. ↩︎
  11. González-Hidalgo, Marien et Zografos Christos. 2020. « Emotions, power, and environmental conflict : Expanding the “emotional turn” in political ecology ». Progress in Human Geography, 44(2). Pp. 235-255. Woods, Michael, Jon Anderson, Steven Guilbert et Suzie Watkin. 2012. « “The country (side) is angry”: emotion and explanation in protest mobilization ». Social & Cultural Geography, 13, 6. Pp. 567-585. ↩︎
  12. Post facebook du collectif La Voie Est Libre (LVEL). ↩︎
  13. Swyngedouw, Eric. 2015. « Depolitization (The Political) » dans : D’Alisa, Giacomo, Federico Demaria et Giorgos Kallis. Degrowth : a vocabulary for a new era. Routledge. Pp. 90-93. ↩︎
  14. Voir https://uneautrevoieorg.wordpress.com/. ↩︎
  15. Sébastien, Léa. 2013. « Le nimby est mort. Vive la résistance éclairée : le cas de l’opposition à un projet de décharge, Essonne, France ». Sociologies pratiques, n° 27. Pp. 145-165. ↩︎
  16. Sébastien, Léa. 2024. « Conflits environnementaux : plus de gouvernance, moins de démocratie ». Herodote, n°192. ↩︎
  17. Supiot, Alain. 2015. La Gouvernance par les nombres. Paris : Fayard. ↩︎
  18. Sébastien, Léa. 2011. « Quand les acteurs faibles et absents s’immiscent dans la négociation environnementale ». Territoire en mouvement : Revue de géographie et aménagement. Territory in movement : Journal of geography and planning. Pp. 66-81. ↩︎