Bye-bye PoMo
-édito- « L’architecture moderne est morte à Saint-Louis, Missouri, le 15 juillet 1972 à 3h32 de l’après-midi ou à peu-près ». Cette légende accompagne l’image de la destruction des immeubles de Pruitt-Igoe de l’architecte Minoru Yamasaki en ouverture du livre Le Langage de l’Architecture Post-moderne de Charles Jencks. Le théoricien de l’architecture a retenu cette date pour marquer l’entrée dans la postmodernité. Qu’en est-il aujourd’hui du postmodernisme affectueusement dénommé PoMo ? Est-il mort en 2001, lorsque le World Trade Center – conçu par le même Minoru Yamasaki – s’effondre ? Retenons cette date et marquons la fin du PoMo.
Au-delà d’un style, c’est un moment. Le postmodernisme naît dans l’opulence des années 80, dans l’étiolement des grands-récits, dans une critique de l’universel moderne, par une affirmation du pluralisme. Désormais, les crises financières se succèdent, la nouvelle génération d’architectes conçoit par l’économie. Dans ce numéro, les architectes Lütjens Padmanabhan expliquent leur langage de formes plus modestes et plus silencieuses. Puis, l’historienne Léa-Catherine Szacka retrace le récit de l’exposition phare du mouvement : The presence of the Past avec ses façades hétérogènes. Éclectisme, illustré par la collection de billets africains de l’artiste Andrei Pavlov dans lesquels des façades diverses se confondent à des motifs décoratifs.
Dans nos temps sans grands récits pour unifier la pensée, toute une génération s’efforce de re-découvrir la diversité des pratiques des architectes du siècle passé. L’histoire accessible et disponible sur un média nouveau, internet, et chemine sous la forme d’images souvent hors contexte, produisant des rapprochements nouveaux. L’histoire se délie. Ce nouveau mode de connaissances, presque exclusivement par l’image au détriment des théories, produit alors une nuée de pratiques PoMo Nostalgiques. Les PoMoNo s’identifient par un sens aigu de l’image, à la fois celles de projets (collages et dessins), mais aussi la capacité des projets à produire de l’image (photogénie) et une dextérité significative dans la manipulation des formes historiées et référencées. Ce PoMo final a quelque chose d’une élégie. Il célèbre le plaisir érudit d’une architecture glorieuse et consciente de sa vanité.
En conversation avec Mathieu Peyroulet, Charles Jencks, lui-même, actualise sa définition de l’architecture postmoderne : « C’est un double expresso décaféiné ». Par cette aporie, le premier – parmi les philosophes, les historiens, les sociologues – à employer le terme l’enterre.
Saluons ce moment de désenchantement joyeux du monde, qui peut être résumé par les objets de Michaël Graves en couverture, dont on ne sait s’ils sont des maquettes de centrales nucléaires ou une salière et un poivrier. Les adieux provisoires, mais pas la fin ★
Sébastien Martinez-Barat & Benjamin Lafore
African Post-modernismus par Anderi Pavlov • Un langage de formes par Lütjens Padmanabhan Architekten • Une girafe ne peut pas devenir une tortue. Un architecte, si. par Mathieu Peyroulet Ghilini • Le début de la fin, la fin du début par Léa-Catherine Szacka • La Gazette : Entretien avec MBL architectes autour de l’exposition Impasse des Lilas par Joanne Pouzenc