La vie d’un.e autre

-édito- Une maison, une place, une chaise ou un couteau, la façon dont une main saisit une poignée, dont une vue surgit dans un cheminement quotidien. L’architecte, l’urbaniste, le designer imaginent la vie des autres. Ils supposent.

La conception d’un objet, d’un bout de ville ou d’un habitat passe par cet exercice qui nécessite de se « mettre à la place d’un autre » pour percevoir le monde dans un corps différent, par un esprit animé d’idées nouvelles. L’empathie se heurte à une impossibilité.

À défaut de penser pour les autres, il est possible de penser avec les autres. La deuxième moitié du 20e siècle a patiemment déconstruit l’Homme au centre de la pensée humaniste universaliste. Il a fallu préciser que l’Homme y était homme, que cet homme était blanc, que cet homme blanc était hétérosexuel et occidental, et que cet homme blanc hétérosexuel occidental était bourgeois… Ces précisions faites, il a fallu en architecture revoir ses classiques et réaffirmer le contexte culturel des styles internationaux et mesures universelles ; le modulor et l’architecture modernes en premier lieu. L’histoire de l’architecture, célébrée par le postmodernisme, s’est aussi étoilée en une multitude de récits non linéaires et d’hypothèses valables. Aujourd’hui, la langue française se transforme, se démasculinise. Dans ce lent bouleversement épistémologique, l’identité est devenue fluide, changeante et intersectionnelle. Ce qui était la norme est devenu un mode d’existence parmi tant d’autres.

C’est cet autre, sa fabrication, sa lutte dans l’espace public, architectural et dans celui des représentations, qui traverse ce numéro ★

Sébastien Martinez-Barat, rédacteur en chef

Le numéro « La vie d’un.e autre » est l’interprétation de l’équipe de Plan Libre à l’invitation du Pavillon Blanc à réfléchir autour de la thématique De l’amour dans le cadre du programme culturel développé par Toulouse Métropole.

 

Les intruses par Randa Maroufi • Écologie relationnelle : la Ökohaus de Frei Otto par Tiphaine Abenia (en conversation avec Joanne Pouzenc) • Voix plurielles, voies créoles par dach&zephir • Queer(ing) Architecture par Mahé Cordier-Jouanne