Le cours de l’eau
-édito- L’artiste Olivier Sévère réalise dans le Sahara tunisien des images pour un futur film sur les mirages. Lors du tournage, il découvre une construction destinée à puiser et refroidir l’eau chaude extraite à un kilomètre sous terre. Le bâtiment organise le ruissellement de l’eau. La forme la plus notable de ce circuit hydraulique est une pyramide presque plate de bassins étagés. Au milieu du désert, l’infrastructure devient la raison d’être de l’établissement humain et animal qui l’entoure, comme du paysage fertile qu’elle engendre. Le lien entre l’eau et la société humaine y est explicite.
Loin du désert, l’eau semble être à portée de main, rendue disponible et apaisée. Pourtant, les fréquences des épisodes climatiques violents rappellent que le cours de l’eau s’écrit bien au-delà de nos vies domestiques, quitte à les emporter. Au cours de l’été 2021, architectes, philosophes, écrivaine.s, agriculteur.rices, juristes, sociologues, géologues, artistes et riveraine.s se sont rassemblés au centre d’art et de design La cuisine ( 1 ) pour considérer cette eau que l’on ne voit pas lorsqu’elle s’écoule sans fracas. La plaine de l’Aveyron devient le cas d’étude pour retrouver ce qu’est une rivière, un sol, un ruisseau, une pluie et un nuage. Sur le terrain, chacun.e s’essaye à la manière d’Elisée Reclus dans son Histoire d’un ruisseau ( 2 ), à l’impossible épuisement du cheminement de l’eau sortie d’une source montagneuse. Ce numéro restitue deux moments de cette réflexion portée par l’arpentage de la plaine alluviale de l’Aveyron ( 3 ).
Au bout du fleuve, dans les mers et les océans, Jacques Rougerie, architecte et océanographe, a élaboré depuis les années 1970 une architecture prospective qui pose les conditions techniques et esthétiques d’un habitat mérien. Dans l’entretien de ce numéro, il retrace les récits de ses premières expérimentations. Il rappelle la nécessité d’ancrer ces recherches sur plusieurs générations et plaide pour l’élaboration d’un nouvel imaginaire de la vie aquatique ★
Sébastien Martinez-Barat
( 1 ) Le cours de l’eau, la cour et l’eau. Festival d’idées du 26/07/21 au 01/08/21 à La cuisine, centre d’art et de design. Commissariat : Matthieu Duperrex, Marta Jonville, Joanne Pouzenc, Alexander Römer.
( 2 ) Élisée Reclus, « Histoire d’un ruisseau », 1869.
( 3 ) « Grains, irriguer le sol fertile », atelier dirigé par Marion Albert, Julien Choppin, Alexis Pernet et Sarah Vanuxem. « Limons, anatomie d’une île », atelier dirigé par Jérôme Gaillardet, Anne-Sophie Milon, Camille de Toledo.
Entre deux eaux par Olivier Sévère • Un architecte « mérien » par Jacques Rougerie • Grains. Irriguer le sol fertile Retranscription par l’équipe de Plan Libre de l’atelier organisé par Marion Albert, Julien Choppin, Alexis Pernet et Sarah Vanuxem • Architectures d’une rivière par Jérôme Gaillardet